Marseille

Noël Baudrand, le chef du Capucin (Mercure Canebière) vient de mettre au point une collection de 6 canné’ oh, un joli clin d’œil aux cannelés cramés au four. « Ils sont proposés l’après-midi pour le thé ou le café et peuvent aussi être emportés à la maison, explique le chef. Ils sont cuisinés tous les jours et il faut les consommer en moins de 24 h pour apprécier leur croustillance et leur fondant ». Un canné’ oh à l’anis, à la fraise, au citron, au café, au caramel cacahuète et un choconoisette : on a l’embarras du choix. « Charlotte ma compagne est bordelaise et marseillaise depuis 14 ans. C’est une grande gourmande pour qui ce n’est jamais assez alors ces cannelés ‘garnis et enrichis’, je les lui dédie », dit  Noël Baudrand. Goûters gourmets en vue !
de 2,50 à 3,50 € pièce et par lot de 3 de 9 à 10 € (sur place ou à emporter), 48, La Canebière, 1er arr. ; infos au 04 65 58 56 91. 

► Le 30 avril sera perché.- La buvette « Le Bon Air » prend ses quartiers d’été dans un cabanon aux pieds de la Basilique Notre-Dame de la Garde pour le 4e été consécutif. En guise de mise en bouche, elle propose la plus belle vue qu’on puisse embrasser sur Marseille, le port, les îles du Frioul et l’horizon, en camaïeu de bleus. A la carte, une street food méridionale de qualité, inspirée des variations du Sud et des parfums provençaux. La tradition déboule avec ses panisses et sa salade de poulpe, la Méditerranée décline quelques arancini bien garnis et réinterprétés librement en mode finger food. On commande au comptoir, on s’installe sur les tables de bois. Dans les verres, on en boit de toutes les couleurs, face aux déclinaisons chromatiques du coucher de soleil.

Suis-nous sur les réseaux

Data from MeteoArt.com
Magazine

Fabien Vallos, le philosophe qui a dressé l’ « Inventaire gourmand de la Méditerranée »

Fabien Vallos interviewé par le Grand Pastis

Il a suffi de quelques semaines pour que le livre de Fabien Vallos, « Inventaire gourmand de la Méditerranée », entre dans le panthéon de toute bibliothèque gourmande respectable. « Gourmet érudit » et affable, l’auteur a été professeur de philosophie à l’École d’enseignement supérieur d’art de Bordeaux. Désormais à Arles, il est professeur de philosophie et coordinateur de la recherche à l’école Nationale supérieure de la photographie de cette même ville. Il enseigne également à l’École supérieure d’art d’Angers. Pour le Grand Pastis, il nous fait l’amitié d’un déjeuner partagé et répond sans ambages à nos questions.

Le Grand pastis : « Inventaire gourmand de la Méditerranée » vient de sortir, cet ouvrage procède d’une longue démarche…
Fabien Vallos : J’ai mis 30 ans de voyages à collecter des recettes et il a suffi de 5 mois à mon éditeur, Marabout, pour monter le livre. Il y a dedans 2 200 recettes que j’ai compilées pour garder des traces de tout ce que je goûtais lors de mes voyages. Au lieu d’acheter des cartes postales ou des souvenirs, quand j’étais ado, je griffonnais sur des carnets, mes goûts, des mémoires de saveurs. Et puis j’ai sillonné un maximum de pays  pour compiler ces recettes, ces goûts et émotions.

Le G.P. :  Et dans tous les pays, les peuples vous ont confié leurs secrets ?
F.V. : Ça a été compliqué car il y a eu des femmes et des hommes qui m’ont envoyé péter et qui n’ont rien voulu lâcher de leurs savoir-faire. Des paradoxes aussi : il y a eu plein d’endroits où on me donnait à manger mais pas les recettes, d’autres où on me donnait des recettes bidon, ou des recettes sans les goûter. C’est profondément lié à l’affect, des gens possèdent des formules qui génèrent de l’affect chez eux et ils ne veulent pas les partager. C’est étrange. Fabien Vallos

Le G.P. : D’où vous vient cette passion pour la cuisine provençale et plus largement pour les cuisines du bassin méditerranéen ?
F.V. : C’est d’abord une passion qui me vient du côté de mon père, dont la famille est d’origine provençale. Moi, je n’ai pas grandi ici, en Provence. Quand j’étais enfant, la Méditerranée, c’était un fantasme, c’était le lieu où je me sentais le mieux.  Ma grand-mère était une excellente cuisinière mais comme j’étais un garçon, elle ne voulait pas m’apprendre la cuisine, alors j’ai appris par la seule observation. Mais paradoxalement, ma grand-mère était ravie que je la regarde faire et que j’aime manger… J’ai passé 30 ans de ma vie à voyager et, partout, j’ai regardé les gens cuisiner. Tout ce que j’ai appris, ça l’a été par l’observation.

Le G.P. :  Vous distinguez les cuisines bourgeoise et provençale…
F.V. : Le distingo est complexe. Pendant plusieurs décennies, la Provence a conçu une cuisine bourgeoise qui n’était pas provençale, elle était génériquement française, plutôt lyonnaise. La Provence s’est imaginé une cuisine bourgeoise avec un regard porté vers le nord du pays. La cuisine provençale n’est pas bourgeoise mais peut l’être par certaines recettes, elle se maintient aujourd’hui surtout sous la forme d’une cuisine régionaliste. Fabien Vallos

Le G.P. :  La philoxenia c’est quoi ?
F.V. : Un philosophe né à Arles, appelé Favorinos, s’est interrogé sur une citation de Homère dans l’Odyssée : – Qu’est-ce qui fait qu’un Grec est grec ? » Pour répondre, il y a d’abord la communauté de langage. Ensuite, il y a la philoxenia qui consiste d’abord à offrir à manger avant de demander qui est la personne. J’y vois là les bases mêmes de l’hospitalité. C’est l’une des fondations de la richesse de la gastronomie méditerranéenne. On aime faire à manger, il y a profusion de mets sur la table ; on fait d’abord un cadeau et, ensuite, on demande qui est la personne ; on pourra s’engueuler après. C’est la naissance du débat, des échanges d’idées, du banquet. C’est le principe de la discutabilité qui fonde les bases de la pensée grecque. On considère que les choses seront discutées entre pairs.

Le G.P. :  Les recettes du livre sont-elles à la portée de tous ?
F.V. : Il vaut mieux avoir un minimum de savoir-faire ne serait-ce que dans la cuisson de certaines pièces de viandes ou de certains poissons, parce qu’on peut les rater mais il y a des recettes d’une simplicité absolue. Pas besoins d’être un chef talentueux. Toutes les recettes ont été faites chez moi et par moi qui ne suis pas un cuisinier professionnel. Ce sont des recettes qui sont préparées chez les gens dans la vie quotidienne.

« La bouillabaisse se porte mal à Marseille. C’est très compliqué d’en manger une bonne en ville et c’est devenu hors de prix. Ce n’est pas un plat de restaurant, c’est un plat de convivialité servi à la maison, je suis désolé de le dire »

Le G.P. :  Dans quel état se trouve la gastronomie provençale ?
F.V. : Elle est en mauvais état car on a la prétention, en France, de faire de la très haute gastronomie tout en oubliant les héritages des cuisines vernaculaires. En Provence peut-être plus qu’ailleurs, on fait de la cuisine pour plaire aux touristes. Il faut aussi faire le distingo entre les recettes et les techniques et, c’est un mal très français, on a énormément perdu en savoir-faire depuis plusieurs dizaines d’années. Cependant, depuis 10 ans, la bistronomie a tenté de défendre une certaine approche des produits et des terroirs mais tout est devenu beaucoup trop cher au restaurant. On ne sait plus cuisiner les pièces simples (comme les abats) mais je note qu’à Marseille, dans ce climat détérioré, quelques jeunes chefs font de bonnes choses malgré tout.

Le G.P. :  Quel rapport avons-nous avec le goût ?
F.V. : En France, le goût et la mode ont toujours marché ensemble (cf. Proust et les asperges, NDLR) mais la force des goûts se trouve perturbée par les exhausteurs, les produits chimiques et tous les ajouts de l’industrie agroalimentaire… Tout le monde a oublié le vrai goût de la truffe qui ne se cuit pourtant pas et on se régale de plats arrosés avec une huile de truffe aux origines synthétiques.

Le G.P. :  Et le pouvoir des prescripteurs est immense !
F.V. : Quantité de restaurants ne méritent plus leurs étoiles et je constate qu’aujourd’hui, la prescription est faite par des guides pour des gens qui ont perdu leur autonomie. Je milite beaucoup pour les repas servis à la maison, et le plaisir des invitations car manger à l’extérieur est de plus en plus onéreux. Dans certaines villes comme Paris c’est difficile dans les petits appartements mais ici, c’est plus facile.

Le G.P. :  Vous, philosophe, vous vous intéressez à la cuisine, c’est du jamais vu !
F.V. : La cuisine n’est pas une récréation, c’est une composante essentielle de la vie matérielle. Je réfléchis beaucoup sur le paradoxe délirant de la philosophie qui n’a jamais pensé l’alimentation. Pourquoi ? L’histoire de l’art et l’art ne s’intéressent pas non plus à l’alimentation. Parfois on me parle des natures mortes mais elles ont une fonction soit symbolique (memento mori) soit eucharistique. L’Eucharistie, un concept délirant où le pain n’est pas pain et où la chair, n’est pas chair…

« Inventaire gourmand de la Méditerranée » par Fabien Vallos, 2 200 recettes, 1 200 images, 23 pays, Marabout Ed. ; 49,90 €.

Ajoute un commentaire

Ecris ici pour poster ton commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.