Les étés se suivent et se ressemblent aux Grandes tables de la Criée. Tous les ans, en juillet-août, le restaurant du théâtre accueille des chefs émergents ou établis, nomades ou marseillais, leur laissant carte blanche pour exprimer une vision très personnelle de la cuisine. Cet été, c’est l’Algérien Hamza Deramchi, qui investit les cuisines avec sa Table de Fossoul (la Table des Saisons, NDLR). Ingénieur et informaticien de formation, Hamza s’est lancé dans la cuisine en 2009 ; il dirige, depuis 2020, les cuisines de l’ambassade de France, à Alger. Son travail puise dans le patrimoine de son pays natal, soit une approche fine, délicate et réfléchie, à l’origine d’émouvantes surprises.
Hamza Deramchi, coup de food pour Marseille
« Je découvre la ville depuis des années, confesse le chef, qui s’est installé à Marseille depuis le 1er juillet dernier, avec Lydia son épouse. Cette cité me fait de l’œil depuis longtemps et fait de moi l’homme le plus heureux du monde ». Cet été, la Table de Fosssoul jouera la carte locavore tout en prônant le partage et l’échange des impressions, « pour ouvrir les portes à toutes les fenêtres ».
La volonté est d’abord végétale avec des carottes glacées à l’ail et au carvi (brunoise de légumes-gel d’agrumes et siphon de safran), un zviti (kesra, poivrons, tomates, ail et huile, filet de citron), ou un couscous de blé (parfumé à l’eau florale des Cévennes-pistaches, noisettes miel et cannelle). L’influence de Lydia et son joli sourire pointent au coin de chaque assiette ronde : l’expression est bio, légère et délicate, les entrées se font joyeuses, un brin rustiques.
La Méditerranée hante les esprits et les envies, un poulpe cuit à basse température (tomates, olives, grenade et chimichurri) le dispute à ces boulettes de sardines à la dersa (ras-el-hanout, citron et tomate confits). Chaque proposition est identitaire, assume son histoire et son patrimoine. Clin d’œil à une Grèce jamais très éloignée, le souvlaki de poulet au romarin s’enlace dans une pita tzatziki maison. Les bonnes idées sont partout, c’est créatif jusque dans la mélasse coulante sur un filet de bœuf basse température, jusque dans les noix et la menthe ajoutés au tzatziki. Des infusions de romarin et citron, d’infusion florale de genevrier-infusion à froid de mélisse et hibiscus ou de sauge-verveine donnent le sourire.
L’été marseillais passera forcément par la découverte du travail de Hamza Deramchi. Sa bassboussa (un gâteau de semoule à la fleur d’oranger-crème anglaise et amandes) est un monument tout comme sa crème citron perlée d’huile d’olive aux relents d’écorces sur sablé parmesan. L’homme est souriant, ses recettes sont enjouées. C’est fin, délicat et pontilleux. Une élégante démonstration de ce que peut être la cuisine algérienne contemporaine.
Hamza Deramchi, la Table Fossoul, théâtre de la Criée, 30, quai de Rive Neuve, Marseille 7e arr. ; du 8 juillet au 21 septembre. Réservations au 06 03 39 14 75. Formules 30, 45, 55 € ; carte 35 €.
Lydia Merrouche, l’épouse, la co-équipière
« Le végétal est très présent dans la cuisine algérienne », explique Lydia Merrouche, l’épouse et co-équipière de Hamza. Avocate de 2007 à 2016, elle s’est reconvertie dans l’agriculture bio, d’abord en cultivant de la stévia, en se lançant ensuite dans les fruits et légumes. Pionnière de l’agriculture bio en Algérie, elle est aussi une thuriféraire de Pierre Rhabi. Le binôme a lancé le premier restaurant 100% green du pays, au sein même de l’ambassade de France à Alger porté par un mantra : « Sans agriculture, le pays ne peut pas avancer ». Vivant (aussi) à Marseille désormais, le couple rêve d’y ouvrir un restaurant et une exploitation agricole… Du rêve à la réalité, il n’y a qu’un petit pas.
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