La maturité de Sacha est tout aussi troublante que sa manière d’aborder la cuisine. Sur la carte de Perséphone, son restaurant ouvert (en octobre 2023) au cœur de Gémenos, la jeune femme explique qu’elle crée des « combinaisons de saveurs », assurant « faire maison avec amour, passion et conscience ». Chez elle, pas de produits, encore moins d’ingrédients mais des « matières brutes »… un discours qui serait insupportable de maniérisme chez les autres mais qui s’avère tellement attendrissant chez cette jeune femme au parler sincère.
Samedi soir, il fait encore trop frais pour dîner en terrasse, on se réfugiera en salle dans un décor de murs chaulés, de vieilles tables de bois dans un esprit ferme de campagne. La carte se compose de deux menus : le Solstice et l’Equinoxe. Chacun pouvant être choisi en 3 ou 5 temps.
Et pour trinquer ? Une bière blonde, l’Infiltrée de la brasserie des Malfaiteurs (peu amère, non filtrée et à la saveur maltée revendiquée) fera l’affaire ; les 5 cocktails se déclinent en une proposition acide, amer, sucrée, salé et umami. Rigolo. La raviole de betterave est garnie d’une brousse du Rove parsemée de nigelle et d’ail noir. Composition étonnante, terreuse, qui donne l’impression de mordre à pleines dents dans la terre des garrigues. Suivent quelques asperges simplement grillées, drapées de translucides lamelles de lard de colonnata et de copeaux de roux d’œuf confit. Ça croque, ça fond, en bouche. Les saveurs vertes s’enrobent de gras salé…
Des artichauts frits aux graines on aimera le goût de noisette, le trempage dans le labneh que Sacha a irrigué d’huile à la violette. Tellement féminin, sensible, les assaisonnements sont équilibrés ; chaque assiette raconte le désespoir de Déméter pleurant sa fille recluse aux Enfers. Pour célébrer le printemps, la côtelette d’agneau sera parsemée de pistaches, délicieusement croustillante, posée sur un lit de pois chiches frits et confits au sumac. Au jus dense et aromatique de la viande se lient les épices, on sauce sans bouder son plaisir, un régal, un hommage aux terres de Palestine. Avec le regard qui pointe sur l’Asie mineure, la mousse aux fleurs est posée sur un lit de dates confites, parsemée d’amandes telles quelles, relevée d’une crème à l’huile d’olive chômée.
Alors faut-il aller chez Perséphone ? Le printemps marque sa libération d’Hadès, c’est une excellente raison de s’y attabler surtout si vous aimez la cuisine méditerranéenne. Les goûts sont courageux, les partis-pris audacieux. La cuisine de Sacha Lobell est tout à la fois gracile et musclée. Vous aimerez la créativité de cette chef de 28 ans au style unique. Un authentique coup de cœur comme rarement on les compte dans une année.
Perséphone, 6, place Georges-Clémenceau, 13420 Gémenos ; infos au 04 42 84 39 12. Midi de 25 à 32 € ; soir, de 39 à 55 €. Dimanche brunch, 35 €. Street food déjeuner, 15 €.
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